Cadre du continuum du mieux-être mental des Premières Nations - Rapport sommaire
Décembre 2014
Santé Canada et l'Assemblée des Premières Nations
Table des matières
Introduction
Les problèmes de santé mentale et de toxicomanie continuent d'être un sujet de préoccupation prioritaire pour de nombreuses communautés des Premières Nations. Il est vrai que différents types de problèmes de santé mentale peuvent toucher les communautés, mais le mieux-être mental est un concept plus large qui peut-être défini comme un état dans lequel une personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie et contribuer à la vie de sa communauté.
Le mieux-être mental est appuyé par la culture, la langue, les aînés, les familles et la création, et il est nécessaire à une vie saine sur le plan individuel, familial et communautaire. Pour les Premières Nations, l'atteinte d'un bon état de santé global (mieux-être physique, mental, émotionnel, spirituel, social et économique) passe par l'adoption d'une approche coordonnée et exhaustive qui respecte, valorise et utilise leurs façons d'apprendre, leurs langues, leurs méthodes et leurs connaissances culturelles.
Les programmes et les services de mieux-être mental provinciaux, territoriaux et fédéraux visent à interpréter les indicateurs qui nuisent au mieux-être dans de nombreuses communautés des Premières Nations, mais les services comportent des lacunes. En outre, ces programmes et services ne sont pas toujours offerts conformément au principe de la sécurité culturelle. C'est pourquoi les communautés et les dirigeants des Premières Nations ont demandé l'élaboration d'une approche coordonnée et exhaustive en matière de programmes de santé mentale et de lutte contre les toxicomanies. Afin de répondre à cette demande, la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits (DGSPNI), l'Assemblée des Premières Nations (APN) et les leaders autochtones du domaine de la santé mentale de diverses organisations non gouvernementales des Premières Nations ont procédé conjointement à l'élaboration du Cadre du continuum du mieux-être mental des Premières Nations (le Cadre).
Le mieux-être mental consiste en un équilibre entre les aspects mental, physique, spirituel et émotionnel. Il y a renforcement de cet équilibre chez les individus qui ont un but dans leur vie quotidienne, que ce but passe par l'éducation, l'emploi, la prestation de soins ou une façon d'être et de faire ancrée dans la culture; qui entretiennent à l'égard de leur avenir et de celui de leur famille un espoir découlant de leur volonté de vivre leur vie en se fondant sur la connaissance de soi, des valeurs autochtones uniques et une croyance en l'esprit; qui éprouvent un sentiment d'appartenance et d'attachement relativement à leur famille, à leur communauté et à leur culture; et qui ont le sentiment que la vie a un sens et qui comprennent de quelle façon leur vie et celles des membres de leur famille et de leur communauté s'inscrivent dans la création et dans une histoire riche.
Culture
Les valeurs culturelles, le savoir sacré, la langue et les pratiques des Premières Nations sont des déterminants essentiels de la santé et du mieux-être des individus, des familles et des communautés. Malgré les répercussions de la colonisation, un grand nombre de membres des Premières Nations ont conservé leurs connaissances culturelles par l'intermédiaire de leur langue et de leur façon de vivre avec la terre et avec les autres. Ces fondement leur ont permis de demeurer forts, de continuer à rire et de faire preuve de résilience. Leur connaissance culturelle au sujet du mieux-être mental ne se limite pas aux « faiblesses ». Elle se fonde plutôt sur les forces et la résilience. La culture est le fondement d'une « bonne vie », et les connaissances qui lui sont associées ciblent tous les stades et les aspects de la vie.
Les langues, la culture et les enseignements des Premières Nations sont liés au passé, au présent et à l'avenir; ce sont des jalons le long de la route vers un avenir meilleur. Au sein des Premières Nations, les individus, les familles et les communautés ont de vastes connaissances sur lesquelles ils peuvent se fonder pour déterminer comment vivre une vie équilibrée, prendre soin d'eux-mêmes et des autres et rétablir l'équilibre lorsqu'il est perdu.
Modèle et continuum de services de mieux-être mental
Le Continuum du mieux-être mental des Premières Nations (le Continuum) est un modèle complexe, enraciné dans la culture et qui comporte plusieurs couches ainsi que des éléments essentiels au soutien du mieux-être mental des Premières Nations. Il englobe les thèmes clés qui ont ressortis du dialogue avec les partenaires, de même que les déterminants sociaux de la santé qui sont essentiels au soutien et au maintien du mieux-être. Le Continuum est appuyé par un certain nombre de partenaires provenant de divers niveaux. Parmi ces partenaires, on compte les suivants :
- les communautés;
- les nations;
- les organismes régionaux;
- le gouvernement fédéral;
- les gouvernements provinciaux et territoriaux;
- les organisations non gouvernementales;
- le secteur privé.
Le modèle comprend aussi un certain nombre d'éléments qui appuient le système de santé, en particulier la gouvernance, la recherche, le perfectionnement de la main-d'œuvre, la gestion du changement, l'autodétermination et la mesure du rendement.
Le Continuum vise à aider l'ensemble des individus, y compris ceux ayant des besoins multiples et complexes, et cible tous les stades de la vie. Le centre du modèle représente l'interconnexion des comportements mentaux, physiques, spirituels et émotionnels (but, espoir, sentiment que la vie a un sens et sentiment d'appartenance). L'équilibre entre tous ces éléments mène à un mieux-être mental optimal.
Continuum des services essentiels
Une gamme complète de mesures de soutien et de services adaptés sur le plan culturel est nécessaire pour appuyer le mieux-être mental. Ce continuum comprend les éléments suivants :
- promotion de la santé, prévention, développement communautaire et éducation;
- dépistage et intervention précoces;
- intervention en situation de crise;
- coordination et planification des soins;
- désintox;
- soins tenant compte des traumatismes subis;
- soutien et suivi.
On sait déjà que ce ne sont pas tous les services décrits ci-dessus qui seront disponibles dans chacune des communautés. Toutefois, grâce à une collaboration et à une planification globale, toutes les communautés peuvent avoir accès à ces services clés. En déterminant quels sont les services clés, on peut cerner les lacunes et éviter les chevauchements avec les services déjà offerts dans la communauté, dans une communauté voisine ou par les gouvernements provinciaux ou territoriaux.
Thèmes clés
Les séances de discussion régionales et nationales, le rassemblement national, la séance nationale de validation et de mise en œuvre ont permis de faire ressortir plusieurs thèmes clés qui ont servi à définir le Cadre et le Continuum. Ces thèmes sont les suivants :
- La culture comme fondement
- Développement communautaire, propriété et renforcement des capacités
- Système de soins de qualité et prestation de services adaptés à la culture
- Collaboration avec des partenaires
- Financement souple et amélioré
Une liste d'occasions de mise en œuvre a été créée pour fournir des éléments d'orientation aux communautés et aux partenaires communautaires, régionaux, provinciaux, territoriaux, fédéraux et nationaux, au sujet d'activités et de stratégies concrètes associées à chaque thème. Ce document évolutif sera mis à jour sur une base régulière à mesure que des progrès seront réalisés en ce qui a trait à l'achèvement d'occasions de mise en œuvre et lorsque de nouvelles occasions émergeront.
Thème 1 : La culture comme fondement
Les dirigeants, les jeunes, les membres et les aînés des Premières Nations ont laissé savoir clairement que la culture devait être au centre des activités visant le mieux-être mental. La culture doit non seulement orienter notre travail, mais aussi être considérée comme étant un important déterminant social de la santé. Les interventions culturelles sont holistiques; elles s'adressent simultanément à l'esprit, à l'âme, au corps et aux émotions. Le fait de se fonder sur la culture signifie que tous les services et les programmes de santé liés aux Premières Nations vont au-delà de la simple création de pratiques sécuritaires et de programmes pertinents sur le plan culturel. À ce titre, la culture comme fondement suppose que l'on part du savoir et de la culture indigènes et qu'on harmonise ensuite les politiques, les stratégies et les cadres existants.
Mesures prioritaires :
- Répondre à la diversité des communautés des Premières Nations
- Définir la culture
- Valoriser la compétence et la sécurité culturelles, et le savoir indigène
- Comprendre le rôle de la langue dans le mieux-être mental
Thème 2 : Développement communautaire, propriété et renforcement des capacités
Le développement communautaire, la propriété et le renforcement des capacités sont d'importants facteurs qui doivent être pris en considération lorsqu'on veut accroître le mieux-être mental des Premières Nations. Par exemple, les expériences des communautés et les recherches ont démontré l'effet positif de la propriété communautaire des infrastructures et des programmes locaux sur le mieux-être mental des Premières nations. Le développement et la propriété communautaires, ainsi que le renforcement des capacités, jouent un rôle essentiel pour garantir que le continuum de programmes et de services de mieux-être mental qui s'adresse aux Premières nations est pertinent et efficace et qu'il répond aux besoins des communautés.
Mesures prioritaires :
- Veiller à ce que les services soient contrôlés par les Premières Nations
- Tabler sur les priorités de la communauté
- Élaborer des plans de mieux-être de la communauté
- Travailler en partenariat
- Investir dans la communauté
- Développer les communautés et renforcer les capacités
Thème 3 : Système de soins de qualité et prestation de services adaptés à la culture
Le mieux-être mental nécessite l'accès à un éventail complet de mesures de soutien et de services adaptés sur le plan culturel. Il est essentiel que le continuum de services fasse partie d'un système de soins de qualité et que les services et le soutien soient de grande qualité et adaptés à la culture. Les organisations des Premières Nations, les gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral et d'autres partenaires clés devront collaborer ensemble pour atteindre cette norme. Il faut aussi porter une attention particulière aux éléments clés appuyant un système de soins de qualité, comme la mesure du rendement, la gouvernance et le perfectionnement de la main-d'œuvre.
Mesures prioritaires :
- Offrir des services accessibles
- Offrir des programmes et des services de qualité en mieux-être mental
- Capacité d'adaptation, souplesse, fiabilité
- Planification proactive et soutien et services dans les situations de crise
- Offrir des soins tenant compte des traumatismes subis
- Promouvoir et reconnaître une main-d'œuvre compétente sur le plan culturel
- Offrir de l'éducation, de la formation et du perfectionnement professionnel
- Appuyer le mieux-être des travailleurs
Thème 4 : Collaboration avec les partenaires
L'amélioration du mieux-être mental des Premières Nations exige des mesures stratégiques qui dépassent le mandat de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits. Elle nécessite la participation d'autres ministères fédéraux, des gouvernements provinciaux et territoriaux et des communautés de Premières nations, en plus d'exiger des appuis et des services qui englobent les secteurs de la santé, de la justice, de l'emploi et des services sociaux. Ces partenaires doivent collaborer et coopérer pour s'assurer qu'un continuum complet et coordonné de service de mieux-être est offert à ceux qui en ont besoin. À l'heure actuelle, même si l'on reconnaît que certains rôles et responsabilités sont partagés, ces rôles et ces responsabilités ne sont pas toujours précis.
Mesures prioritaires :
- Définir des rôles et des responsabilités claires
- Encourager leadership
- Appuyer les partenariats et le réseautage
- Appuyer les intervenants-pivots et les gestionnaires de cas
- Assurer la défense de droits
- Accroître la sensibilisation -Réduction de la stigmatisation et protection de la vie privée
Thème 5 : Financement souple et amélioré
À lui seul, le financement ne suffit pas à assurer une approche complète en matière de mieux-être mental. Cependant, les participants des diverses séances de mobilisation ont indiqué que l'ajout de financement ainsi que la souplesse et la permanence du financement actuel étaient des facteurs essentiels. Au cours des discussions régionales et nationales, les participants ont déterminé que le manque de financement adéquat et durable ainsi que l'importance continue accordée au financement des projets nuisent au mieux-être mental. Actuellement, le financement et la prise de décisions qui touchent les Premières Nations sont cloisonnés dans plusieurs ministères fédéraux, provinciaux et territoriaux, ce qui fait en sorte qu'il est difficile de prendre des mesures à l'égard des déterminants de la santé et d'élaborer des approches exhaustives en matière de mieux-être mental.
Mesures prioritaires :
- Offrir du financement additionnel
- Abandonner le financement limité ou cloisonné
- Accroître la souplesse du financement
Prochaines étapes
La force du processus du Cadre a été ses liens avec un large éventail de réseaux régionaux et nationaux de santé et de mieux-être des Premières Nations. Ces réseaux ont orienté le processus d'élaboration du Cadre, façonné la vision de ce dernier et soutenu l'engagement avec les communautés des Premières Nations. Des directives particulières pour la mise en œuvre du Cadre ont été élaborées en collaboration avec des partenaires clés qui continueront de peaufiner des idées tout au long de cette mise en œuvre.
Ce processus a permis de créer un engagement envers une vision commune du mieux-être mental. Pour réussir la mise en œuvre, les intervenants clés doivent prendre des mesures dans les limites des ressources existantes et collaborer avec d'autres partenaires. La réalisation du continuum de services de mieux-être mental envisagé nécessitera un engagement, une collaboration et des partenariats soutenus, appuyé par un leadership efficace dans l'ensemble du système. Des « leaders du changement », à titre individuel ou collectif (partenaires, équipes, institutions, organismes, familles ou communautés), joueront un rôle essentiel. Les efforts prennent de l'ampleur dans plusieurs régions du pays. On développe des partenariats plus forts et on commence à combler les lacunes pour répondre aux besoins des Premières Nations en matière de mieux-être mental.
Le Cadre guidera les communautés de façon à leur permettre de mieux planifier, mettre en œuvre et coordonner des interventions complètes pour relever tous les défis du mieux-être mental, tout en respectant les priorités communautaires. Il décrit comment les communautés peuvent adapter, optimiser et réorienter leurs programmes et services de mieux-être mental pour assurer un continuum complet de services et de programmes de qualité. De plus, le Cadre aidera les communautés à utiliser le financement existant de façon plus holistique, à la lumière du continuum de services essentiels et en reconnaissance de l'impact des déterminants de la santé sur le mieux-être mental.
Le Cadre favorisera le dialogue avec d'importants fournisseurs de soins de santé, d'autres fournisseurs de services et des partenaires gouvernementaux afin d'améliorer la collaboration et de créer des partenariats en vue d'assurer qu'on répond aux besoins des peuples des Premières Nations. Pour mettre en œuvre le Continuum, il faut tirer le meilleur parti possible des relations avec et entre les ministères des gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral. Le Cadre appuie l'abandon des programmes cloisonnés ou peu collaboratifs en faveur d'un système de mieux-être mental complet destiné aux Premières Nations et fondé sur un continuum de soins. Il donne une orientation aux changements des systèmes à court, à moyen et à long terme (p. ex. la refonte des programmes existants, le report des ressources existantes et l'intégration des ressources entre les administrations) qui tiennent compte des priorités des communautés des Premières Nations et à la lumière des priorités régionales, provinciales, territoriales et fédérales. En outre, le Cadre orientera les nouveaux investissements à mesure que les occasions se présentent.
L'évolution des changements devra faire l'objet d'un suivi et être mesurée pour que l'on sache quels sont les progrès réalisés et les points où il faut accroître les ressources et les efforts pour concrétiser entièrement l'objectif commun qui est d'offrir des services complets, axés sur les communautés, pertinents et respectueux de la culture aux individus, aux familles et aux communautés des Premières Nations. L'élaboration d'indicateurs et de normes de prestation de services et de programmes permettrait de suivre les progrès réalisés en vue de changer les systèmes. Les normes et les indicateurs peuvent, par exemple, fournir des paramètres concrets pour la prestation de services uniformes de qualité qui s'harmonisent aux systèmes provinciaux et territoriaux.
Conclusion
Le Cadre du continuum du mieux-être mental des Premières Nations est le fruit d'une collaboration intensive entre les partenaires des Premières Nations et la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits de Santé Canada. Il décrit une vision commune selon laquelle les individus, les familles et les communautés des Premières Nations de partout au Canada reçoivent un appui qui favorise un niveau élevé de mieux-être mental. Plusieurs éléments seront requis pour que cette vision se concrétise :
- des mesures de développement communautaire et de renforcement de la capacité axées sur la culture pour atténuer les facteurs de risques et favoriser les facteurs de protection;
- des services de mieux-être mental complets, coordonnés, de grande qualité et adaptés à la culture pour les membres des Premières Nations vivant dans les réserves;
- un engagement et une collaboration soutenus entre un grand nombre de partenaires des Premières Nations, du gouvernement fédéral et des provinces, avec l'appui d'un leadership solide et d'un financement souple.
Reconnaissant la nécessité d'une feuille de route pour guider et coordonner les mesures prises aux échelons communautaire, régional et national, les partenaires ont rédigé un plan de mise en œuvre évolutif qui accompagnera le Cadre et facilitera son application. Le plan de mise en œuvre précise les priorités de mise en œuvre réalisables à court, à moyen et à long terme. La liste de priorités évoluera probablement au fil du temps, en fonction des questions ou des occasions qui se présenteront. Le Continuum, le Cadre et le plan de mise en œuvre peuvent être des ressources précieuses alors que les organisations des Premières Nations, les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral établissent des plans de travail, et que les communautés des Premières Nations élaborent leurs plans communautaires de mieux-être.
Une prochaine étape importante sera l'élaboration d'un plan d'évaluation qui appuiera l'amélioration continue des processus de mise en œuvre, pendant que les partenaires travailleront à concrétiser le projet de continuum des services de mieux-être mental.